La Ciotat
J’ai
joué à la pétanque à Brighton dans le sud-est de l’Angleterre pendant une
quinzaine d’années avant de m’installer à La Ciotat, « Berceau de la pétanque ».
Je
me suis toujours considéré comme un bon amateur et non comme un bon joueur, et malgré ça, j’ai gagné quelques divers championnats dans mon
ancien club. J’étais membre de l’équipe régionale et j’ai participé au concours
« Champions de Champions » en
Angleterre (un concours national où s’affrontent les meilleures équipes de
chaque région).
Les
gens d’ici, (La Ciotat) me disent que l’âge d’or de la pétanque s’est étalé
jusqu'à la fin des années 80, avant la fermeture des chantiers navals. A cette
époque, les concours dans les petits clubs régionaux attiraient régulièrement
plus de 80 équipes de joueurs de haut niveau.
Hélas
les chantiers sont fermés depuis longtemps, le monde évolue et même ici le
nombre de joueurs est en déclin.
J’ai
de suite été confronté à un niveau de jeu plus élevé que celui auquel j’étais
accoutumé. On peut dire que le niveau régional en Angleterre est l’équivalent
d’un niveau moyen dans un club français. Le stéréotype du « vieux papy » est souvent un pointeur de
grande précision, d’une régularité remarquable et d’une analyse parfaite de la
topographie des terrains de jeux, condition primordiale à la réalisation d’un
bon point.
A
titre d’exemple, je croyais avoir joué un bon point, 20 cm du but, qui allait forcer le tir de mes
adversaires — et non, les « papys »
gagnaient le point à chaque fois !
A
Brighton, j’étais tireur tout simplement parce que j’appartenais à la minorité
qui voulait bien s’essayer à cette discipline dans mon club et pas parce que je
me berçais d’illusion sur ma réelle compétence. Pendant des années, j’ai
malheureusement creusé les mauvaises habitudes qui sont apparues évidentes dès
mes premières confrontations face aux joueurs locaux.
Mon
tir était trop fort, tendu et court. À Brighton sur terrains souples ce style
avait une certaine efficacité, mais ici, pas de chance. Les terrains très durs brûles par le soleil ne conviennent pas du tout à mon style, dans 99.9 % des
cas ma boule de tir passait au dessus de la cible après avoir rebondie.
Par
comparaison à la norme des joueurs locaux, je ne pouvais pas être classé comme
tireur. Ici au bout de trois échecs vous êtes déclassé. Je suis donc pointeur,
sauf qu’avec du recul je me rends compte que je n’ai pas progressé non plus à
l’appoint. La maîtrise de la boule sur terrain dur est aussi difficile que le
tir. Beaucoup de mes boules étaient longues, un bon point ne mérite cette
appellation que s’il est devant le but. Toutes les boules qui sont jouées
derrière vous attirent de cinglantes critiques.
Je
suis passé d’un statut de meilleur joueur dans mon club à joueur sans
spécialité, qui ne savait ni pointer, ni tirer. A mon grand regret, ici on ne
vous accepte que si vous êtes un bon joueur, sans quoi personne ne vous invite
à jouer — la défaite est mal vécue même lors d’une partie dite « amicale ». Il
ne me reste que deux solutions : soit progresser très vite, soit acheté un
billet retour.
Malgré
mes défauts, j’étais et je suis toujours convaincu des bienfaits de
l’entraînement. J’étais l’entraîneur qualifié dans mon club ou j’organisais des
ateliers et des parties d’entraînements pour les membres. C'est-à-dire,
d’adopter un modèle « sportif », ce qui est le cas dans la majorité de sports,
où chaque club à un entraîneur qui s’occupe de la formation et la progression
de joueurs et des équipes.
Mais
ici il n’y a aucun entraînement — on dit, « la formation se fait par le jeu ».
D’un côté, une grande déception, mais d’un autre, j’étais obligé de corriger
mes fautes moi-même sans attendre l’aide des autres. Heureusement, mon rôle
d’entraîneur m’a fourni une bonne connaissance de la base de jeu, ce qui m’a
permis de recommencer à zéro.
J’ai
soigneusement observé les meilleurs joueurs, leurs gestes et leur choix de
tactique de jeu. Quelles étaient les différences entre leurs gestes et le mien et pourquoi jouaient-ils si bien et moi si mal ? Avec le temps quelques
joueurs avec qui j’ai sympathisé mon donné quelques conseils. Le premier des
reproches a été ma trop grande raideur dans ma gestuelle qui m’handicapait dans
la maîtrise de la boule, mon jet de
boule était souvent trop long.
Pour le tir l’un des meilleurs joueurs m’a
expliqué comment envoyer la boule, plutôt qu’avec ma raideur naturelle,
assouplir mon geste, ne pas forcer mon bras.
J’ai
passé beaucoup de temps à l’entraînement pendant plus d’un an — mes mauvaises
habitudes étant très difficile à
corriger. Bien accepté par une frange de bons joueurs, je participe
régulièrement aux concours organisés par
les clubs de La Ciotat avec même un certain succès et on me permet même de
prendre le tir de temps en temps.
J’ai
très peu joué en dehors de ma ville, il était difficile de monter une équipe où
je me sentais à l’aise. Tous les bons joueurs sont déjà en équipes et il est
pratiquement impossible de pénétrer ce milieu, surtout pour un étranger. Le
niveau technique de ces concours est d’un niveau assez élevé, il n’est pas
simple d’en gagner un.
Pourquoi
ai-je progressé et qu’est-ce qui m’a vraiment aidé ?
·
Un bon climat,
on peut jouer toute l’année.
·
Mon assiduité
aux séances d’entraînement.
·
L’observation
des meilleurs joueurs, leur technique, leurs choix stratégiques etc…
·
Les concours réguliers contre les
meilleurs.
·
La pratique
sur différents types de terrains.
Il
y a trois terrains principaux, plus quelques autres de moindre importance, dans
différents quartiers de La Ciotat.
·
Jules le Noir, ou est née la pétanque. Un terrain de plusieurs jeux (une trentaine
environ) certains en pente, d’autres empierrés, certains lisses et d’autres
réunissant toutes les caractéristiques.
·
Le Cercle des Boulomanes avec un terrain d’une capacité de jeux équivalente
moins accidentés, plutôt orientés vers le
Jeu Provençal.
·
Le Lido –
ce n’est pas un club, mais on y joue tous les jours. On y trouve racines,
ornières, rigoles, pierres, pentes, très technique et difficile à jouer.
C’est
sur les terrains très accidentés qu’il faut apprendre à bien pointer, c’est là
que le choix de « la donnée » devient primordial. Sur un terrain lisse et
plat le simple lancé droit vers le but peu suffire. Sur un terrain accidenté,
il faut porter la boule avec précision dans la donnée. Il va de soit que la
nature du terrain n’influe en rien sur les techniques de tirs. Ce qui est un autre
sujet.
Pendant
mes stages d’entraînement, j’employais souvent l’expression « Mal tapé – ça
n’existe pas ! » — je voulais dire que soit le joueur à mal choisi la
donnée, soit il l’a raté. Mais ici, sur les terrains très accidentés, j’ai
changé l’expression, « Bien tapé – ça n’existe pas ! »
En
Angleterre, je savais que mon style de jeu avait des lacunes, mais comme il me
permettait de gagner, je me suis installé dans la facilité, un joueur paresseux
qui victoires aidant, n’a pas su élevé son niveau. J’ai bénéficié de l’aide de
certains joueurs, mais il n’existait pas de base d’entraînement comme dans les
autres sports, avec un programme pour progresser régulièrement tout au long de
l’année. A la soixantaine passée, je joue probablement mieux que jamais, mais
je sais aussi qu’il est trop tard pour devenir un champion. Si je pouvais
recommencer à zéro avec un bon entraînement peut être… !
Je
suis de plus en plus convaincu de l’importance d’une bonne formation,
s’entraîner régulièrement en essayant de toujours progresser. Oui, je sais
qu’il y a beaucoup qui disent « tout est inné ». Je suis tout à fait d’accord
que les champions possèdent « un don » mais l’entraînement permet chacun d’atteindre le maximum de leur potentiel — et même les champions
passent des années d’entraînement afin d’être « Champion ».
Boules
Je
suis assez grand, 1,85m, et avec mes grandes mains j’ai toujours joué avec de
grosses boules 76mm 700g. Ici, la
majorité des joueurs sont plus petits et ils jouent avec des boules plus petites.
On m’a souvent dit que mes boules, qu’ils surnommaient « des melons » étaient
trop grosses pour la pétanque. Maintenant je m’essaye aux boules plus petites, 75mm
et 74mm, mais je pense avoir tort de souvent changer de boules et je comprends
mieux la remarque des anciens « ce n’est pas la boule, petit, c’est le
bras qui compte ».
Le mental
J’ai
également beaucoup pensé au côté mental du jeu. Au début, on m’a
tellement critiqué — sans jamais penser à m’aider ! — et handicapé par mes
lacunes je manquais d’assurance, j’ai même envisagé d’arrêter de jouer.
Maintenant, mes progrès m’ont rendu plus serein, j’ai plus confiance en moi, et
j’affronte plus tranquillement les opérations de déstabilisation de certains de
mes adversaires. La façon d’agir de ces joueurs est connue, elle vous oblige à
vous concentrer sur votre jeu et faire
fi de leurs commentaires.
Le Jeu Provençal
Enfin
et surtout le jeu provençal — jeu de
boules roi avant l’invention de la pétanque. Ce jeu ne se pratique pas en
Angleterre mais ici il reste très populaire parmi certains joueurs.
Contrairement à la pétanque il ne peut se pratiquer partout. Il se joue sur une
distance de 15 à 20m. Orienter votre jeu sur un pas en dehors du cercle et
rester sur un pied pour pointer votre boule. Le tir est plus énergique — il
vous faut effectuer les trois pas vers
la cible. Une partie en 13 points peut durer de 3 à 4 heures, c’est
E-N-O-R-M-E-M-E-N-T long et il faut beaucoup de patience pour jouer. Le tir est
très difficile, c’est pour cette raison que vous rencontrerez très peu de vrais
tireurs. Vous pourrez assister à des parties de 3 h. sans aucun tir (tous les
joueurs sont des pointeurs). Donc, souvent c’est un jeu de défense. Par contre,
la pétanque se joue sur un rythme plus dynamique — où le tir est aussi
important que le point — et à la portée d’un plus grand nombre. Pour les
amateurs de cricket, c’est la différence entre un Test Match qui dure 5 jours et un match 20-20 qui ne dure que 20 mènes.
Après
une période d’apprentissage, il y a des jours où je suis capable de bien
pointer. J’ai finalement réussi à
contrôler mon lancer et maîtriser la distance. Comme tous les joueurs, de temps
en temps je m’essaie au tir. La difficulté à maîtriser la course et le lancer
fait que toucher la cible cela tient plus de la chance que d’un
savoir-faire. Mon titre de gloire est
que «
Miracle » J’ai fait un carreau au Provençal
13, mon premier concours. Depuis il m’est arrivé d’en faire un à
l’entraînement mais plus jamais dans un concours.
À
suivre.
Raymon Ager
(Merci Raymond pour ce superbe témoignage... Tout en français qui plus est !)
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